jeudi 21 mars 2013

Green Porno

21 mars 2013 (Le Printemps)

Chère I.

Lettre 20

«Ludique, drôle, instructif, Isabella Rossellini, la fille d'Ingrid Bergman et de Roberto Rossellini a réussi son pari : mêler écologie et pornographie pour parler de la nature sous toutes ses formes»
Green porno, une suite de courts-métrages, écrits et réalisés par I. Rossellini. Stromboli peut aller se rhabiller!


«Une fois j'ai fait l'amour pendant une heure cinq.  C'était le jour du changement d'heure.»
Garry Shandling

«On ne raconte pas l'amour (physique) pas plus qu'on ne raconte le bonheur.»
Julien Green 
(la cigale) 

"Tout le monde a en soi, toute la beauté et la fraîcheur du Printemps»
écrit par une rescapée des camps

 



Paul se gratte la tempe droite.  Ouvre un paquet de cigarettes.  Rebelote.  Une autre cigarette.  «Mais putain bordel de merde, Paul, quand arrêteras-tu de fumer à la fin? Tu es un docteur, un DOCTEUR, tu dois donner le bon exemple, c'est pas sérieux!» le sermonnait autrefois Helena.  «Tu peux être certain que je n'irai même pas à tes funérailles!»
Bien enfoncé dans sa chaise de bistrot sur le Mirabeau, Paul observe les passants.  De sa prunelle droite reliée à son cerveau gauche.  À son cerveau reptilien qui jouit de sa cigarette.  Et des passantes.  Paul observe surtout les passantes et la longueur exacte de leur jupe. Il n'aime que les jupes en biais, un centimètre sous les genoux, au tissu plus vaporeux que transparent.  Il se dit que la recette parfaite de la belle jupe est un savant mélange de tellement de choses, de tellement de variables, de tellement de choix et de décisions, de tellement de hasards, qu'elle est presque intangible.  Inatteignable.

Comme le bonheur...

À l'obsession du bonheur occidental, ce périlleux équilibre du physique et du mental, s'ajoute l'obsession de l'épanouissement sexuel, à court, à moyen et à long terme. «Ohlala! je n'y arriverai jamais» se dit Paul en inspirant avec dévotion, près de la fontaine illuminée de la lumière de la fin mars, les volutes de sa cigarette blonde.

«Mon mari a des maîtresses et ça fait vraiment mon affaire.  Moi le sexe, ça ne m'intéresse pas, mais alors pas du tout, vous comprendrez qu'entre mon travail, les enfants à gérer, mon beau-père Alzheimer qui habite au sous-sol, je ne rêve que d'une chose... dormir toute seule.»
«Mon mari pue.»
«J'adore le sexe docteur, mais surtout pas avec mon mari.» 
«Je n'ai pas de vie sexuelle.  Je ne me masturbe pas.  Je ne fantasme rien.  Et je n'ai aucun mari.  Moi, je travaille docteur!  À sauver la planète contre la menace des OGM.  Vous savez ce que c'est?  J'ai justement un dépliant que vous pourriez peut-être laisser dans votre salle d'attente, non?» 
Et, se remémorant les paroles de ses patientes,  Paul se dit que l'illusion d'une vie sexuelle épanouie, plus courte que longue,  c'est tout de même pas mal de conneries. «Les femmes sont belles aujourd'hui sous le soleil, hein? Vous avez vu celle-là avec sa jupe verte?» chuchote le colosse aux cheveux roux assis près de lui sur le Mirabeau, «Vous voulez une autre cigarette?»
«Ouais, merci!» répond lamentablement Paul.

Julien Green, qui n'avait vraiment de green que le nom, n'avait rien d'un écrivain ayant réussi sa vie érotique, mais il a pourtant écrit divinement et sensuellement sur François d'Assise.  Quant aux insectes, leur sexualité n'a rien d'accompli, mais ressemble à un bestiaire de détraqué, les abeilles mâles sectionnant leur pénis en pénétrant la femelle, la femelle mante-religieuse dévorant la tête du mâle, les écrevisses mâles dans leur jeunesse, devenant femelles quand ils sont vieux.

Green, tout est green au parc Jourdan en ce chaud printemps.  Et sans nul doute l'éclosion des feuilles, de ce vert très tendre, si tendre des saules-pleureurs et des fleurs des arbres fruitiers suffisent  à Paul qui se rappelle la nuque d'Helena.


Parce que pour Paul, l'épanouissement sexuel, c'est la nuque d'Helena.  Elle remontait sa chevelure en une savante toque déconstruite, de laquelle s'échappaient quelques mèches de cheveux blonds.  Et derrière Helena, assise à sa table de travail, Paul fondait de désir, d'amour, d'épanouissement, de tendresse charnelle devant sa nuque nue, gracile, légère, profonde, absolue, divine...
Là maintenant, et pour toujours.

Green,  parce que les yeux verts d'Helena sont green...


La Cigale

Ps: Est-ce que tu trouves que le printemps a bien quelque chose de sensuel?

Pps: Manège magique sur le Mirabeau et quelques insectes magiques...






 
   

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