jeudi 24 janvier 2013

J'habite chez mon chien (en psychanalyse)

Chère I.

Lettre 7

«Enfin un nouveau regard sur un pays que personne ne semble comprendre…
Les Français fument, boivent et ingèrent plus de gras que n’importe qui au monde, et pourtant, ils vivent plus longtemps et ont moins de problèmes cardiaques que les Américains. Ils prennent plus de sept semaines de congés payés par an et pourtant, ils ont le taux de productivité le plus élevé. De loin, la France moderne est une énigme. Mais si on y regarde de plus près, tout s’explique. Sixty Million French Can’t Be Wrong montre comment les pièces du puzzle s’emboîtent les unes dans les autres.
Décryptant les idées des Français sur des sujets tels que la terre, la nourriture, la vie privée et la langue, les auteurs décrivent la société française, de la centralisation et du code Napoléon jusqu’à la formation de l’élite, et même jusqu’aux manifestations, et nous offrent par la même occasion et pour la première fois, une peinture claire de la France et des Français.»
 
Sixty million Frenchman can't be wrong, Jean-Benoît Nadeau et Julie Barlow

«Lait demi-écrémé;
 On a gardé la meilleure moitié
 Où est la demie-vache»

Monoprix

«Pâte à tartiner NOISETTES;
 Si seulement les écureuils savaient lire»

Monoprix












Paul se trouve nul.  Nul d'être à l'aube de la cinquantaine dans ce marasme affectif.  Nul de se lever tous les matins sans sommeil, une tronche de dégénéré dans le miroir.  Nul de ne pas avoir su retenir Helena.  Nul de ne plus savoir qui il est.  Nul de se demander c'est quoi ce foutu Bonheur à la carte qu'il ne comprend plus.  Nul de ne peut-être l'avoir jamais compris.
Plus nul encore de tomber dans le classique des classiques de l'homme de cinquante ans en crise existentielle, en crise de nerfs, en homme sur le bord de la crise de nerfs.  C'est Pedro Almodovar qui serait fier de lui.
Nul de devoir partir au travail, après l'ingurgitation massive de cafés forts, de cigarettes à demi-consommées, de pensées positives de tout ordre, de citations littéraires de tout acabit, d'animateurs-radio de tout genre et de fantasmes, tout éros,  pour faire face à TOUS ses patients.

-Bonjour Docteur, comment allez-vous ce matin?

-Bonjour Docteur, êtes-vous certain d'aller bien, votre teint s'approche dangereusement du vert, vos yeux sont excentriquement exorbités, et votre bave coule le long de votre mâchoire, non?

-Bonjour Mme Loubelle, TOUT va bien pour moi et vous?

-Bonjour Mme Davis, Bonjour, bonjour, bonjouuuuuuuurrrrr!!!!!!

-Bonjour Docteur, je suis en dépression et je vous EMMERDEEEEEEE!!!!!!!!

Comment mentir si éhontément devant ceux qui vous livrent toute leur essence à la vanille, leur essence de chocolat et de levain.  Un goût de fraise par-ci, un goût d'arsenic par-là, un goût d'outre-tombe par-ci par-là!

Paul se trouve d'autant plus nul que devant son lait demi-écrémé et sa tartine de chocolat picorée du bout des lèvres, l'oeil droit à moitié-ouvert, l'oeil gauche à demi-fermé, devant les ébauches d'un petit-déjeuner, les foutus Français, ces sixty million Frenchmen can't be wrong, trouvent même au petit matin la façon d'être irrésistibles, craquants, nerveux et vifs, le bon mot à la bonne bouche plutôt que la bave coulante, l'ironie mordante, le marivaudage juste comme il faut, à la bonne place, au bon moment.
Comme Paul se trouve nul devant ces Français élégants, une écharpe toujours nouée au bon endroit et cet air de vous dire que vous n'êtes qu'un dérivé de quelque chose ou de quelqu'un, sans grand intérêt autre que celui de pouvoir potentiellement les admirer!



 
Paul se trouve nul parce que de l'ironie et des boutades, il ne sait pas en faire.  Paul se trouve nul parce qu'avec une écharpe au cou, moirée ou mâte, il ressemble à un papy qui ne fait aucune résistance.  Paul se trouve nul parce que G., encore si jeune, porte l'écharpe avec l'élégance d'un grand seigneur et que de l'humour percutant, il en déborde.  G. a la langue bien pendue et bien française.  G. mange trois baguettes par jour et n'a pas l'once d'un ventre à l'horizon.  G. semble demeurer le King incontesté du Baiser fait French Kiss!

Paul se trouve nul parce qu'il a rejoint son collègue universitaire en Droit des personnes à la Cité des Lettres d'Aix.  S'est jointe au déjeuner A., sa collègue à lui.

-Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhh..........

A. est éblouissante.  Paul s'est tout de suite demandé si elle était la maîtresse de son collègue, bien marié depuis trois décennies, quatre enfants et aucune dérive catho de droite pourtant.  A. a la cinquantaine merveilleuse.  Ces femmes qui, pour une raison qu'il ne comprend pas, trouve le moyen de demeurer mince.  A. est d'une élégance a faire fondre le coeur de n'importe qui, de n'importe quoi.  Elle a une beauté en douceur, des yeux très tendres, un sourire toujours avenant.  Elles est un reine bonne.  Sa beauté est peu commune, difficile à décrire.  Cette ancienne blonde aux cheveux entremêlés de gris est la quintessence de la femme épanouie et heureuse, mais sachant montrer avec élégance ses brèches, ses lâchetés, ses erreurs, ses manquements.
Paul devine sous le tailleur rouille et le collier de perles blanches, son corps de femme.  Il est ému par le corps des femmes de cinquante ans.  Parce que ces corps ont vieilli, ont mûri, ont des espaces de mélancolies et de désirs que n'ont pas les jeunes femmes.  Ces jeunes femmes trop sûres de leur pouvoir.  Paul aime les femmes qui doutent.
Il se rappelle avec émotion cette scène de Tilda Swinton se déshabillant devant son jeune amant dans le film Io Sono l'Amore.  Cette pêche un peu fânée filmée dans une lumière orangée et l'incroyable sensualité de ce corps amoureux.

Paul imagine déshabiller A. très lentement.

Est-ce que le fantasme de Paul pour A. signe son désamour d'Helena?

Qu'est-ce que tromper l'amour?

Est-ce qu'Helena le trompe davantage avec G.?

Paul se sent perdu devant la beauté de A.  Dans sa maison, les jouets du chien, le lit du chien, les os du chien prennent toute la place.

Paul se dit qu'il est grand temps d'aller en psychanalyse, avec ou sans son chien!





La Cigale

ps: Est-ce que tu crois que A. a senti le désir de Paul?



















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