lundi 11 février 2013

Habemus Papam

Chère I.

Lettre 13

«Heureux les aimés et les aimants et ceux qui peuvent se passer de l'amour... (surtout).»

Jorge Luis Borges
(La Cigale)

«Habemus papam»

Un film de Nanni Moretti avec Michel Piccoli, 2011


Helena n'était vraiment plus certaine d'avoir été une femme intelligente.

Elle avait plutôt été cette femme qui avait abusé tout autant de son pouvoir que de son désespoir.  Le puissant pouvoir de son désespoir.  Le désespoir du grand vide.  Ce vide existentiel chéri que l'on comble à grands coups de travail, de projets, de famille, d'enfants, de mariage.
Jusqu'au jour où le travail devient lassant, les projets monotones, la famille un paquet de névrose en concentré,  les enfants des pantins de leur génération, plutôt partis et distants, les mariages... des niques à feux de forêt.
Le pouvoir de la femme qui désire autre chose.  Le pouvoir de sa beauté tentaculaire.  De sa flamme intérieure ravageant tout.
Le désespoir du temps qui finit, si bientôt, de la vie en arpèges mineurs en cavalcade de triolets et de doubles croches trop rapides.  De la vie qui achève à tout moments.  Dans sa paume un peu vide.  Sous les trop-de-rides en coin.

Elle avait plutôt été cette femme qui avait cédé à la passion.  La passion que Courbet avait bien vue dans l'origine de son monde pas de tête.  Son sexe foisonnant sans l'ombre d'une logique.  Son sexe sulfureux se cherchant un visage qu'on croyait avoir enfin trouvé après 147 ans.  Mais pourquoi Paul avait-il accroché ce tableau insensé sur le mur froid et gris-bleu derrière sa chaise derrière le grand bureau?

Peut-être cela le réjouissait-il de voir l'expression tellement surprise de toutes les femmes s'asseyant devant lui.  Admirer leurs globes occulaires se levant doucement vers le haut, les cils écartelés, et tout à coup, la prunelle empreinte d'une surprise qui ne pouvait jamais être feinte.
Peut-être était-ce là, exactement là, que la femme devant lui était la plus authentique et qu'à travers le prisme de sa cornée déformée de sentiments, il arrivait à envisager de quelle bois cette femme pouvait être faite.  Encore plus que devant le mystère de son sexe in-vivo livré en pâture à ses mains gantées et scientifiques.
Peut-être pouvait-il arriver à passer ses journées en voguant sur cette surprise qui chaque fois l'étonnait.  Comment un simple sexe de femme pouvait créer autant de passion?  Même chez les femmes elles-mêmes?

Peut-être Paul était-il devenu gynécologue grâce aux courbettes de Courbet, Gustave?

Peut-être Gustave Courbet avait-il toujours voulu être gynécologue?

La passion.

Quelle mauvaise langue l'avait piqué?  Quel mauvais mot, quel mauvaise cinéma, quelle mauvaise idée en définitive?

Mais à la passion, combien difficile il est de ne pas céder, avait bien compris Paul.

Même les Papes, sous couvert de mitres, n'y arrivaient pas.

Grâce.  Cela avait pourtant été un véritable moment de grâce, dans ce petit matin plein du soleil de fèvrier traversant la grande fenêtre du salon, la journée devant soi, sans rien, rien, que la drôle de petite voix d'Asaf Vidan remplissant le grand appartement vide, que le moment-là, l'oreille collée sur la guitare rose, les cordes métalliques vibrant de la petite musique du désir, de la passion.


La passion.  Encore celle-là.... Définitivement, elle n'allait pas laisser Paul tranquille ce matin où enfin il ne travaillait pas.

Le téléphone sonne bruyamment et sans grâce dans le beau matin.  Paul prend le combiné douteux entre ses pattes.  Depuis un mois, c'est bien la première fois qu'il l'entend. Et merde....   Paul n'a envie que de silence.  Pour une fois.  Trop de mot ont été prononcés dans la dernière semaine pour qu'il puisse avoir envie d'autre chose que de rien.
C'est R., son collègue à la Fac.  Il gesticule de façon désordonnée dans le téléphone.  Sa voix passe du murmure aux aigus pointus aux grognements d'animal.  Pour R. ça n'a pas l'air d'aller de soi ce matin.
C'est sa femme.  Pas la femme de Paul.  Sa femme à lui.  À R.

R. était parti en conférence à Gordes, fantasmant l'improbable vue du gros rocher plein de petites maisons et l'abbaye de Senanque pas trop loin.


Sa femme M., une belle plante à la cinquantaine toute fière et au sexe de jeune fille, l'avait rejoint sur son portable,  paniquée.  Sa femme fontaine à lui devait être en promenade avec des copines à Fontaine de Vaucluse, le petit village de Pétrarque. Il y a passé sa vie en mélancolie bourgeoise à écrire sa désespérance amoureuse à Laure, son amour secret.  Sacré Pétrarque, il aurait sérieusement déchanté de cette Laure si il avait eu le courage de passer ses jours et ses nuits avec elle pour des siècles et des siècles, amennnnnnnnnn!!!!!!!
Mais pas de grand oeuvre alors, que de l'eau très verte et des fontaines à plus soif....



Nichée sur une chaise trop droite dans un petit mas trop charmant du pays des Sorgues, voisin de Cavaillon et de ses melons et totalement inconnu de R., M. venait d'apprendre que son amant avec qui elle avait un rendez-vous, secret il va sans dire, venait de succomber subitement à 52 ans, dans le grand salon clair et so nude, à une crise cardiaque.



M. était tétanisée.  Le problème c'est que R. apprenait à l'instant, au même moment que l'annonce de la mort de l'amant, que sa femme le trompait éhontément depuis 15 ans.
Depuis 15 ans M. partait en goguettes érotiques dans tous les villages du Lubéron et de la Provence pendant que son savant de mari donnait ses conférences, sagement, alliance dorée bien en vue à  l'annulaire de la main gauche.  Donnait ses conférences en étant certain de rentrer pénard dans les lieux du domicile fixe, apaisant, chaud.  M. sa femme de 30 ans, la mère de ses quatre enfants, en forme, en joie, le rose aux joues.  Bilatéralement.

Ce samedi matin, Paul venait de perdre son moment de grâce.  M. perdait son amant-chéri et pas mal sa tête.  Quant à R., il perdait la foi.  Tout d'un coup, comme ça,

 -pfffffffffffffffffffffffffffff-

Comme par magie.

-Dieu, épargnez-moi de la passion se dit Paul secrètement sans en souffler mot à personne...

La Cigale


ps:  Et toi, as-tu déjà cédé à la passion?  Le regrettes-tu?

pps: Je ne pense pas être particulièrement douée pour grand chose, et surtout pas par le souffle de la prémonition, mais tout de même, je publie HABEMUS PAPAM, le jour où le Pape lui-même démissionne, chose qui ne c'est pas vue depuis le 13ème siècle au dire de D.  Eh ben.....

ppps: Le Libération fait encore plus deuxième degré que moi en titrant son édition de mardi 12 fèvrier, «PAPUS INTERRUPTUS-Benoît XVI, Pape amovible» Aouch!!!!!!!

3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Et le Libé titrait Pape Académy le lendemain ou le surlendemain alors que la veille je me disais que tout ça avait des ressemblances avec des auditions comme la Star Ac. Amen. Cardinal Ouellet se fait humble devant les capacités du nouveau pape. En tous les cas, Québec s'est sauvé de toute cette bêtise médiatique entourant la pape attitude de Marc Ouellet.

    L'amour, l'amour, ah toujours l'amour ? Le fait de n'y pas penser est-ce que c'est y penser :) Amis, travail, art, politique c'est ça ma vie...Pour le reste on ne sait jamais.

    C'est vrai qu'elles sont belles les femmes en robes de laine sans bijou.

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  3. Ohhhhhhh ma belle chérie si généreuse merciiiii trop trop trop pour TOUTTTT tes commentaires! Tu es adorable de m'encourager dans mes écritures, mes petites écritures de mes tout petits sentiments, de mes petits personnages en quête d'un espèce de petit bonheur à tous les petits jours que le bon dieu a faittttt icitttt en provence xxxxxxxxx

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