dimanche 20 janvier 2013

Ton Cadavre est Exquis

Chère I.

Lettre 5

«On fait tous l'éloge du rêve qui est la compensation de la vie.  Mais c'est le contraire docteur.  Vivre est nécessaire pour se reposer de ses rêves»

Venévos de Deus, remédios do diabo , Mia Couto, 2012

«La lumière et l'ombre sont un rapport de couleurs, les deux accidents principaux diffèrent non par leur intensité générale, mais par leur sonorité propre.  L'ombre est une couleur comme la lumière, mais elle est moins brillante; lumière et ombre ne sont qu'un rapport de deux tons»

Paul Cézanne









Paul aimait sans mesure son chien qui, en retour, ne l'aimait pas.

C'est pourquoi Helena l'avait quitté pour G.  de quinze ans son cadet.  G. était beau, une petite gueule de young american, yeux bleus glacés, barbe courte, cheveux très châtains.  Ce cheveux épais, frisé, long, en tignasse d'homme des brousses, d'homme vrai de bois vrai.   Ce cheveux qu'il avait perdu au long des années auprès d' Helena.  Ce cheveux perdu qui le laissait  nu comme un ver.  Décalé.

Le corps de G. était une merveille.  De muscles.  De force.  De minceur.  Des paumes comme des troncs d'arbre, des cuisses découpées en ciseaux pour des étreintes très biologiques, un ventre à convexité interne et une pectorale de grande baleine bleue.
Bien que Paul ne connaissait rien de l'odeur de G.  il est certain qu'il se serait lui même quitté pour lui.  Il comprenait trop bien Helena.  Ce qui, au final, ne l'avançait pas à grand chose.

Parce que Paul aimait toujours Helena.

Est-ce que tout n'est toujours qu'une histoire d'amour?

Est-ce que nos rêves ne sont construits que par l'amour?

Est-ce que Paul sait vraiment ce qu'est l'amour?

Est-ce que l'amour est l'ombre ou la lumière de nos rêves?

Tout juste arrivé à Aix, il avait compris que le corps d'Helena le poursuivrait .  Il avait ouvert la porte de la chambre de bain.  Il s'était tranquillement dévêtu devant le grand miroir rectangulaire aux contours biseautés.  Il avait voulu se départir de sa barbe de quatre jours qui lui faisait une gueule de Wallander.  Une gueule de déterré-vivant.  Une gueule de mauvais jours, de mauvaises nuits.

Dans la lumière voilé et pas trop nette de cette salle de bain, il les avait pourtant bien vu ses biceps à lui.  Il avait bien vu que du jogging, il n'en faisait pas.  Qu'il n'en ferait pas non plus.  Même pas au parc de la Torse, tout voisin de son appartement.
Le torse de G. était un miracle.  Le sien sentait déjà la mort qui approchait.  Les cigarettes qu'il avait trop fumées.  Les vins de toutes les couleurs qui avaient coulés, la plupart du temps avec une incroyable tendresse, roulant de ses lèvres minces, à son pharynx en feu.  Glissant sans obstacle dans son oesophage,  se déposant en liquide des Dieux dans la poche de son estomac abîmé, acidulé.  Se broyant dans les sucs de son anse gastrique.  Libérant doucement cet étrange poison des Fous.

Paul l'avait bien vu son corps à lui.  Cette peau qui s'assaille toute seule.  Les cernes hortensias sous ses yeux de biche aux longs cils.  De longs cils de femme sur son visage d'homme ravageant sa colère et sa douleur.   Puis il avait vu dans le champ sans fleur et périphérique de son oeil droit, les reproductions de Cézanne.





Cézanne à Aix
Cézanne à la plage
Les genoux de Cézanne
L'Atelier de Cézanne
Les chemins de Cézanne

Cézanne est un âne.  Point à la ligne.  De Cézanne, Paul n'aimait rien.  Ni la couleur.  Ni la composition.  Ni sa femme.  Ni son fils unique.  Paul.

Le fils unique de ce Paul s'appelait Paul.

Et le fils unique de Paul s'appelle Paul.

Puis il avait vu dans le champ sans fleur et périphérique de son oeil gauche le corps d'Helena.  Sa femme à barbe.  Sa blonde aux grains de Renoir.  Cette montagne sans Cézanne.  Ce vallon de sa chaire aimée.  Le ventre de sa femme.  De la mère de Paul.  De la femme de Paul.  Son Helena qui étatait devenue la Helena d'un autre.  La Helena de G.

Mais qui était vraiment Helena?




Paul s'est demandé si il avait une vie qui au final lui ressemblait.  Une vie en ruptures.  Une vie où sa femme partait avec G.  Une vie où son fils unique ne l'aimait pas.  Tout comme son chien ne l'aimait pas.
Ou peut-être était-ce les événements qui avaient façonné sa vie. Qui avait fait en sorte qu'il devienne ce qu'il était.


Paul ne se trouvait rien d'exquis.  Ni dans son corps.  Ni dans sa tête.  Ni dans son coeur.

-Bah!  T'inquiète Paul, ton cadavre sans doute sera exquis-



La Cigale


6 commentaires:

  1. Jacques Ferrandez maîtrise la lumière du sud dans ses aquarelles de la série BD «L'eau des Collines» d'après Marcel Pagnol. J'y retourne chaque hiver question de voyager facile et pas cher...et ça marche! Il faut que tu mettes la main là-dessus Cigale.

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  2. Merci pour le filon, ce sera Paul ou La Cigale en personne qui flânera d'inspirtations en inspirations! Tu en auras un blogue sur ton Pagnol et ses dérivés, promis, P-R-O-M-I-S!!!!!!!

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  3. En passant, je peux-tu te dire que c'est un ostie d'aria laisser un (premier) commentaire? ;-)

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  4. hihihihi! t'es LA seule qui m'en laisse christ!!!!! T'es bonne FUFU et follement déterminée ou bedonc tout le monde il s'en fout de mon Blogue de marde :)

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  5. Heiii bon...je reprends du collier. Pis chriss tu le sais qu'on s'en fou pas. Pis quess que t'as contre Wallander osti ? :)))

    Good, je rentre dedans c'est encore mieux de m'en enfiler plein à la fois. Et ah que donnerais-je pour m'enfiler ce rosé à côté de toi mon amie. Un rose délicat, un côte de provence sûrement. Bah...pour l'instant je bois de l'eau chaude.

    J'ai hâte à la suite

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    1. L'eau chaude, l'eau frette ma belle amie! Du rosé t'inquiète, on va s'en enfiler des litres hihihihihi en Provence ou à Québec xxxxxx

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