jeudi 31 janvier 2013

Boulevard des poilus

Chère I.

Lettre 9

«Le Bonheur est dans l'oeil de celui qui regarde»

Gandhi,

Affiché sous l'auvent du Chat Rêveur, Aix, Place de l'hôtel de Ville (regarde bien)

«Et dans celui qui tend son oreille pour écouter la guitare rose de Paul,
  Et dans celui qui touche le creux des reins d'Helena,
  Et dans celui qui goûte la peau sucrée des femmes,
  Et dans celui qui sent l'odeur musqué de l'amour,
  Et dans celui qui voit qu'on ne le regarde pas...»

La Cigale, Aix, 2013




Entre Paul et Helena, tout feu tout flamme, les chats ont toujours été une source inspirée de dissensions.  Aucun rêve à l'horizon. Quand Paul a fait entré le chien dans la maisonnée,  le chat, de mauvais poil, s'est dressé les poils de la tête et Helena a rebroussé-poil, avec ladite bête sous les bras.
Des poils pourtant, Paul en a bien quelques uns aux bons endroits.  Sur le devant de ses deux avants-bras.  Et Helena aimait tendrement y emmêler ses doigts.  Du poil de Paul, Helena disait en être folle.

Son poilu courageux et viril susurrait-elle très doucement.

-Miaouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuumiaouu!

Le chien quant à lui adorait le chat.  Il le cherchait dans tous les recoins de la maison à tous les matins au réveil. Le poursuivait d'ardeur et de jeux.  Tentait la prise de l'ours en début d'après-midi en rêvant de la cuillère au coucher.  Quand Helena a quitté Paul avec son poilu c'est le chien qui lui a fait la gueule à son tour, haleine de crapaud en sus.
Paul ne l'a pas embrassé. Malgré ses os-simili-brosse-à-dents-colgate-blanchissant-anti-bactériens.  Et  il est resté un chien.

Paul se sent seul.  Malgré ses cinq sens.  Malgré sa tendresse.   Helena l'a quitté.  Le chien est en pension.  Son fils est en rébellion. Il n'y a aucune éloge dans la fuite.  Il est seul à Aix.

Devant ce vide nouveau façon Francis Bacon, Paul s'attarde aux détails.

Dans sa tête, le détail de sa paume, petite mais chaude, glissant dans le creux très précis d'Helena se fardant aux miroirs.  Là, par derrière elle, précisément où la taille débute, sous les dernières côtes flottantes et juste au dessus de l'os de la hanche.  Ce petit creux en creux.  Un creux à droite, un creux à gauche.  Deux creux pour deux paumes.  Et le visage d'Helena qui se retourne, illuminé par la caresse.  Et sa bouche volée pour un véritable baiser.  Et tout le reste qui suivra....

Et le détail en coin de cette peinture dans la salle de bain où le canevas craquelé diffuse sa tendresse.


Et l'étrange et émouvante substance d'un simple drapé de rideau de douche aux contours sépia et bleu, oiseaux, forêt.



Et la magie organique de la lumière de cirque plantée au mur comme une étoile de ciel.



 Et le rêve des petits garçons qui veulent sauver le monde.



Et la beauté soufflante de Cassis le 30 janvier 2013, 17 heures et 13 minutes sous la paume de Dieu ou de quelqu'un que Paul ne connait pas à l'éclairage.



La solitude de Paul et son désarroi se décline en :

Entendre

Toucher

Goûter

Sentir

Voir

Se décline en camaïeu de tendresses de tout poil!

Est-ce que le bonheur se repose  dans les cinq sens?

Est-ce que le détail est la forme aigüe du bonheur?

Quel sens préfères-tu?

La Cigale

ps:  En parlant de détail, Paul a vu au Renoir la Première du dernier film de Jaoui-Bacri!
      Jouissif dit-il

































2 commentaires:

  1. Il y a dans cette lettre comme une retenue pour parler des sentiments. Je l'aime bien celle-ci. Ça nous donne l'envie de lire la prochaine. Quand tout est dit, on dirait que tout est dit :) ça laisse moi la place à l'imaginaire du lecteur. Peut-être est-ce aussi mon malaise face à des sentiments amoureux qui s'exprime.

    xx Bravo pour tout ce travail en dentelle

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    1. L'amour c'est beau et tenace et languissant et délicieux et plein de dentelles et de mystère et de doutes.... On peux en parer pendant une vie ou deux non?
      xxxxxx

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