lundi 29 avril 2013

Palermo Big Bang!

Chère I.

Comme un film

Lettre 25

«De façon générale, le terme « Big Bang » est associé à toutes les théories qui décrivent notre Univers comme issu d'une dilatation rapide qui fait penser (abusivement) à une explosion, et est également le nom associé à cette époque dense et chaude qu’a connu l'Univers il y a 13,82 milliards d’années sans que cela préjuge de l’existence d’un « instant initial » ou d’un commencement à son histoire.»

Wikipédia, 2013

«Palermo shooting »

Un film de Wim Wenders, 2008 


Palermo, Big Bang! (un film virtuel, La Cigale, Sicile 2013)


INTRO

Paul en a marre de son blues.  Il se répète.  Ad nauseamUne nausée qui commence sérieusement à lui taper sur le système limbique.
«Bof Paul! T'en as pas un peu ras-le-pompon de ton truc? T'es docteur à la fin!  Tu le sais bien, toi,  combien il y en a de gens qui vont mal! Alors, ton chagrin d'amour, ta désillusion familiale, tout ton tralala, tu penses pas que ça suffit, non?» lui souffle même l'auteure, sur les nerfs.
Marre du looser! Du couillon.  Du mari trompé.  Du papa à côté de la trac.  De l'éternel amoureux déclassé.
«Change de disque!» le convainc-t-elle (l'auteure, pas Helena).

Enough is enough!

BASTA!!!!!!!! 

«Et si on te la faisait genre road movie, bing, bang! tu penses que ça te plairait Paul?»
Bien oui, ça lui plairait à Paul.  Au point où il en est rendu Le cinéma, décrire ce qui est visible, audible, éviter de rentrer dans sa pénible psychologie, franchement, pourquoi pas!
«Andiamoooooo!!!!» 

UN

«Pouetttt!!! Bing! Pouettttpuoettt! Bang! Pouettttt!»
«Qui e questo cretino!  Ma va fanculo!!!»
La moto frôle d'un centimètre à peine, en dépassant à vive allure sur la droite, le rétroviseur de la Fiat 500.  A gauche, deux autos se tapent sur les nerfs et s'enfoncent dans l'allée centrale.  Celle spontanément crée par les chauffeurs agressifs entre les deux voies normales.  Les klaxons hurlentLe visage de Paul devient étrangement rouge.  La sueur perle sur son front, sous ses aisselles, entre ses jambes. «Colione di merdaaaaaaaa!!!!!!!» Devant lui, un nouvel embouteillage.  La sirène d'une ambulance rugit dans les tympans de Paul.  Un entonnoir se forme en quelques secondes.   Les policiers en costards empesés et boutons dorés gesticulent.  Une main pointant vers la droite. Une autre main dansant au niveau de la bouche et pointant vers la gauche.  Gauche, droite.  Droite ou gauche Les Palermitains sont ambidextres.  Ainsi que leurs autoroutes.
Les montagnes de déchets éparses sur les grandes avenues empestent.  Paul doit cacher son visage déjà rougi, dans les manches de sa chemise qui fût, autrefois, une chemise blanche.  Son nez frôlant son aisselle droite se rétracte.  Entre l'odeur des détritus pourris et le parfum de sa propre animalité, Paul sent sa tête tourner au vert.«Mais c'est QUOI ce bordel exactement?» 
Palermo n'est pas une ville.   
C'est une odeur.
C'est du bruit.
C'est du suranné en concentré. 
C'est quelque part entre  Luxure et Gourmandise paraît-il.


Paul arrête le moteur surchauffé.  Il vient tout juste d'arriver à Palermo, après avoir récupéré la voiture louée pour une semaine à l'aéroporto Falcone-Borsalino.  Du nom des deux juges assassinés par la Mafia.  La Cosa Nostra.  Il y a deux immenses grafignes le long de sa carlingue. «Merde!»  En ouvrant sa porte, il trébuche sur le corps gisant d'un chien.  Un chien Sicilien.  Qui ressemble somme toute à tous les autres chiens. En plus doré, peut-être.  Et en plus nonchalant, sans doute.



Paul se gratte la tempe.  Remue la tête.  Tente de retrouver son chemin sur la carte.  Hésite entre deux possibilités.  Le chien se colle à ses baskets.  Le lèche.  Lui sourit...  Semble indiquer du museau la direction à suivre.  Paul se penche pour lire le nom du chien sur le collier.

«SCOPELLO»

Et rien d'autre.  Scopello, ce n'est pas le nom du chien, c'est très exactement où Paul essaie de se diriger, pour sortir de l'enfer de Palermo.  Un tout petit village de pêcheurs.  Au calme.  Un endroit pour lire, pour écrire, pour ne surtout pas penser à Helena.  (Ça, on avait bien dit que c'était fini non?)
«Et ben mon pote, dis-donc, tu en as de la chance toi!  Aucune idée de ce que tu fous ici, peut-être avais-tu besoin d'un bain de détritus et d'urbanité, mais moi, je t'emmène à Scopello.  On va bien le retrouver ton maître non?» lui dit Paul en l'embarquant dans la voiture, côté passager. «Wouuufffffff!!!!» lui répond le chien sicilien, les oreilles dressées et l'air heureux.

DEUX 


 
«T'as vu, mon pote?  Pas triste ton bled tout de même!» Le soleil brille. Le chien fait sécher ses pattes sur le devant de la voiture, après avoir fait trempette dans la Méditerranée, au détour de la petite ville de Castelammare del Golfo.  Son collier cliquette à chaque foulée.  La langue bien pendue, le chien prend le Lumix LX5 de Paul, pour immortaliser le voyageur. «Cheese!» dit-il en chien.  Le ciel est bleu.  Les figuiers et leurs étranges troncs tortueux sont en feuilles.  Pas d'ombre.  Et pas l'ombre d'une pensée pour Helena. «Yessssssssss!!!!!» pense Paul, le visage décontracté, les traits plutôt tirés vers le haut au travers de son sourire.
(Ça lui va pas mal, à Paul, un sourire.)
(Ça fait nouveau genre, nouvelle vague.)



 «C'est pas tout ça, mon vieux, il faudrait bien le retrouver maintenant ton maître dit Paul en marchant avec le chien vers la place du village les touristes et les villageois oscillent entre quelques Moretti et l'eau fraîche de la vieille fontaine.   


Paul entre par la porte principale de la gelateria et demande le patron.  Monsieur Vittorio Emanuele est gigantesque.  Des mains comme des bateaux.  La barbichette en épée et la moustache étonnante, le regard altier et le dos impeccablement droit.   Le chien sicilien se cache derrière les jambes de Paul et lui grignote les mollets, inquiet.  «wwwwowuowuowuowuowuwwwwwwfffff...»


«Mais oui, je connais ce chien... Scopello... c'est bien son nom.  Quel étrange hasard!  J'ai déjà entendu ma cousine me parler du chien Scopello.  Un bâtard doré comme celui-ci.  Je ne sais pas exactement à qui il appartient, mais appartient-on jamais vraiment à quelqu'un... » dit-il d'une voix mélancolique.  « Adelina pourrait sans doute nous en dire davantage.  Malheureusement, elle n'habite plus ici.  Elle demeure maintenant à  Ragusa... »
«Ragusa, très bien, j'irai sans problème.  J'ai vraiment tout mon temps.»
«Est-ce que je pourrais alors vous demander de m'y emmener, j'ai justement quelques affaires à y régler» lui demande Vittorio Emanuele avec une superbe, toute royale cette-fois. 

Les trois lascards reprennent la route à l'aurore.  Le chien est relégué au siège arrière. Les routes, sans grandes indications, défilent sous la pluie.  D'immenses plaines et collines vertes de vignes, d'oliviers et de citronniers où paissent  moutons et vaches.  Et toujours le vent et quelques Jésus en croix.  Le chien jappe devant chaque nouvelle bêteMais de Ragusa , pas l'ombre d'une lumière... 


... À SUIVRE.... 


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