mercredi 1 mai 2013

Palermo Big Bang! (suite)

Chère I.

Lettre 26

«Divorce à l'italienne»

Un film de Pietro Germi, tourné en partie à Ragusa, avec Marcello Mastroianni, 1962



Un noble sicilien veut se remarier, mais comme le divorce est illégal en Italie, il fait tout pour que sa femme tombe amoureuse d’un autre homme, pour pouvoir les surprendre ensemble, la tuer et n’avoir qu’une peine légère pour crime d'honneur.


TROIS

La pluie s'est estompée. Le chien sicilien ronfle sur la banquette arrièreVittorio Emmanuele ne ronfle pas.  Mais il se tord les mains et ronge savamment chaque cuticule de ses dix doigts.  Ses traits fatigués et inquiets lui font soudainement un visage d'outre-tombe.  Malgré la moustache victorieuse.  Paul fixe la route du regard attentif aux moindres indications.  Et au chemin, plus obscur que clair, menant vers RagusaAu loin, dans le bleu de la nuit, les lumières de la ville baroque apparaissent  soudainement, telles les joyaux d'une couronne surannée.

 
Le chien se réveille brusquement et jappe à tue-tête, alerté sans doute par les lumières vives.  La Fiat 500 à peine garée, il se sauve à toute vitesse par la fenêtre arrière de la voiture,  entrouverte de dix centimètres à peine.
«Scopello!  SCOPELLO! Où vas-tu comme ça?  Reviens ici tout de suite!» crie Paul, voyant dans son champ périphérique droit Signore Vittorio se sauver à toutes jambes dans les ruelles sinueuses de la ville.
«Mais c'est quoi ce bordel encore?»
Paul entend le chien au loin.  Tourne la tête vers la gauche.  Et se met à courir pour le rattraper. «Au diable l'autre enfoiré!»


Au pied de l'église, Paul retrouve le chien déchaîné devant le Saint-Georges terrassant le dragon.
«Allez Georgio! Vas-y!  T'es capable!  Tue-le ce dragon de merde!» hurle le chien.
«T'inquiète, Scopello, ce dragon, je le terrasserai, et je le transpercerai de ma lame, et je le ferai cuire en méchoui pour tous nos potes avec une bonne bière et je la sauverai ton Adelina toute pure!  Mais franchement, entre nous, elle a l'air terriblement ennuyante, non?» crie St-Georgio sous tous les Bravi de la foule bigarrée et dense.
«Georgio, mêle-toi de tes affaires et tue-le, ton dragon!  Le reste, c'est pas de tes oignons, mon vieux!  Désolé, y'a des nuances auxquelles visiblement tu n'as pas accès...» 


«Regarde-la bien ton Adelina!» répond St-Georges, «Pas sûr que ça va durer longtemps ton histoire!  En plus, avec le fiston aux baskets, ça promet!  Et des filles comme ça, tu peux être sûr que c'est nul au pieu!»
«Respect, man!!!! Grrrrrrrrrrr!»lui souffle le chien sicilien,  les babines découvrant les canines.
 (Babines et canines, ça rime).

Paul attrape le chien par le cou.  Le ramène d'une poigne ferme à la voiture.  Pas l'ombre du Signore Vittorio à l'horizon.  Paul se gratte dubitativement la tempe droite.  Les longs mois passés à Aix à ressasser ses récriminations contre sa femme Helena, son fils Junior et son chien Oscar, ne lui auront finalement rien appris.   Encore moins à parler chien.
«Assez inutile, finalement, tes angoisses en boucle, tes insomnies, tes brûlements d'estomac et ta constipation.  T'aurais vachement mieux fait de faire de la soupe aux légumes, hein, Paul?» se moque le chien, riant dans ses pattes.
«Allez!  Viens-t-en, toi!» dit Paul en le poussant dans la voiture. «Bon, alors maintenant, où on va pour le retrouver ton maître, Mister Sicilian-Dog? Et, au fait, un maître, y en a t-il vraiment un qui voudrait de toi?»  lui dit Paul exaspéré. Il allume brusquement le moteur et songe au chapitre 3 du Traité des droits des animaux: Comment transiger avec la Liberté des animaux ?

La Cicala Siciliana

... À SUIVRE ...

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