samedi 18 mai 2013

Comme une Télé-Série

Lettre 30

Pour J. et M-A., mes soeurs un jour, mes soeurs toujours!



Chère I.

«C'est toujours interdit de pratiquer une autopsie sur quelqu'un de vivant?»

Docteur House

«La solitude est un sentiment ressenti par tellement de gens, qu'il serait égoïste de le ressentir tout seul

Les fères Scott 




Ce n'était pas tout d'insister sur le respect des besoins, de la sensibilité et de l'engagement de Paul par son auteure un peu détraquée (il faut avoir lu le blog, «Comme une chanson»:-). Paul décide de mobiliser ses forces intérieures et essaie, tant bien que mal, de retrouver l'essence de ce qui l'habite et le construit  «Euh....»
Évidemment, le programme est vaste, en plus d'être passablement casse-gueule. On ne peut pas dire que Paul soit tellement du genre croissance personnelle, Choisir sa Vie, Un pas vers la réussite, Le chemin le moins fréquenté, La seule vraie cause de votre échec.  Mais il se dit qu'il préfère tout de même une tentative de croissance personnelle à la menace d'un nouveau vendredi ET samedi soir en solo.  Et pourquoi pas ce séminaire dans le Lubéron, sous la supervision d'une psychologue expérimentée,  à seulement 40 kilomètres d'Aix?


Tout est magnifiquement bucolique sous le ciel un peu lourd, au château de Lourmarin. Tout y est serin, vert.  Reposant. Sauf les participantes...
Pas un homme dans le cercle des ménopausées, sinon Paul,  plutôt à l'horizontale sur sa petite chaise de bois. «Putain! c'est quoi encore cette galère dans laquelle je me suis fourrée....» se dit Paul, ayant déjà payé son dispendieux forfait ateliers/deux nuitées au château/souper gastronomique/visite du Fort Buoux.




«On ne peut plus se permettre de faire tellement les élégantes mes chéries, quand on a l'âge où les poils nous poussent au menton.  Chaque fois qu'un homme me regarde, je suis ABSOLUMENT certaine qu'il ne voit qu'un de ces foutus dérèglements pileux!», lance Renée, au nez et à la barbe du groupe de femmes.


 «Ben oui, les femmes, les femmes... toujours les pauvres femmes qui vieillissent... Et vous les avez vu, vous, les hommes avec des poils comme ça qui sortent de leurs narines et de leurs oreilles?  Et c'est sans parler de leurs sourcils!  Vous les avez vu leurs sourcils?  Vous ne trouvez pas que c'est aussi un problème chez les hommes, monsieur... euh... monsieur, Paul je crois?», s'exclame Joanne, véhémente, soulignant son propos de ses deux mains.
«Euh... je n'ai jamais vraiment abordé le problème sous cet angle-là...» répond Paul, se lissant les cheveux pour cacher sa calvitie.
«Je ne pense pas que vous êtres vraiment sur une bonne voie de réflexion, mesdames...et monsieur.  Vieillir n'est pas un concours de pilosité, que je sache.   Pourrions-nous trouver ensemble un sens plus profond à cette transformation dans nos vies?» demande Mireille, la psychologue-animatrice, en jeans vert un peu trop moulant, tentant d'ajuster son propos.
«Comment survivre à son poil, ouais, ça aurait dû être ça le titre de votre séminaire...  Certains individus ont plus le tour que d'autres, visiblement...», répond Renée, pointant du doigt un chien déambulant dans la ruelle.


«Et avec le corps qui se déglingue, la taille qui épaissit, le ballotant sous les triceps et ces fameux poils qui poussent partout au mauvais endroit, les autres qui changent de couleur ou qui tombent en poignée, vous aurez beau dire et chercher des significations héroïques là où vous vous voudrez, moi je pense que vieillir, ça se résume sérieusement à une affaire de poils! Et que l'obsession de la pilosité, c'est vraiment la seule chose qu'on a en commun avec nos filles adolescentes!!!!», note Marie-Andrée en tournant une couette de ses cheveux teints autour de l'index de la main droite.



«Mesdames, mesdames, s'il-vous-plaît!  Pourrais-je vous demander de resserrer davantage vos propos?  Et vous Monsieur Paul, pouvez-vous nous parler un peu de vous, de votre travail, de vos solutions et de vos inspirations dans ce moment de la mi-temps de votre vie?», lui demande la psychologue, en perte totale de contrôle.

Paul décide que le moment est venu de se tremper véritablement dans ses émotions devant les autres et de s'engager enfin dans sa sensibilité, sans cette fameuse distance qu'il a utilisée à plus soif dans sa profession et,  autrefois, avec Helena.
« ... mais moi ma femme m'a quitté pour un homme de 12 ans son cadet je me sens vieux inutile seul mon fils est parti vivre en pension mon chien a préféré ma femme je suis foutûment seul moi qui aime pourtant tellement les femmes qui a tant d'amour à donner et qui suis même gynécologue...»  lance-t-il en tirade.
Les trois femmes, Joanne, Marie-Andrée et Renée (qui sont de fait trois soeurs), comprenant soudain qu'elles sont en présence d'un célibataire masculin, de type docteur, se lèvent d'un seul bond et disparaissent derrière la porte du séminaire pour sortir leur pince à épiler.

«Euh... je suis désolée, vraiment désolée monsieur Paul.  Je ne comprends pas exactement ce qui arrive ici, ce matin!» lui dit l'animatrice Mireille.  «Peut-être aimeriez-vous prendre un verre à la maison? Je pourrais vous raconter mon dernier treck au Vietnam dans un groupe de réflexion spirituelle... » lui demande-t-elle, soudain coquette...
«Pourquoi pas...?» lui répond Paul, les sourcils (broussailleux) en accent circonflexe, estomaqué par l'efficacité du processus de croissance personnelle et par le pouvoir de sa toute nouvelle authenticité.




La Cigale


Ps: Moi franchement, je préfère de loin les piquantes sorcières, même poilues et pleine de pustules,  aux ennuyantes (et vraiment belles, c'est vrai) princesses des contes de fée.  Et toi?




 






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