vendredi 3 mai 2013

Palermo Big Bang! (suite...)

Chère I.

Lettre 27

«L'Avventura»

Un film de Michelangelo Antonioni, tourné à Noto et Taormina (entre autre) avec Monica Vitti, 1960.

Antonioni  introduit avec ce film un nouveau personnage féminin, émancipé, conscient et en accord avec sa féminité.  À travers la douleur et la désillusion - toutes deux causées par la double infidélité de Sandro, Claudia est devenue une femme. Son intégration dans la routine sentimentale aboutit à une sorte de conscience de ce qui est provisoire. 

Wikipedia, 2013





QUATRE



Vingt trois heures trente cinq.  Le noir du soir ne laisse entrevoir aucune étoile.  Paul est vanné.  Les cernes hortensias se creusent à nouveau sous les cils de biche.
(Ben oui, des cils de biche pour un homme, c'est nul.  Ça on le savait déjà!)
« Mais qui est cette fameuse Adelina, finalement?  Et Vittorio, pourquoi s'est-il sauvé? se dit Paul, dévisageant le chien sicilien,  les oreilles collées sur le museau et les yeux dans l'eau, couché en position foetale dans le fond du siège avant.
Aucune chambre d'hôtel à Ragusa. Trop de touristes en liesse pour la fête du St-Georgio.  «Vous trouverez sans doute une chambre à Noto, la ville la plus proche.»

La nuit est trop courte.  Dans la ruelle baroque, où les personnages grotesques des façades grognent et font peur au chien, Scopello recommence à japper de plus belle. «Mais ferma-la à la fin Scopello!  Je ne me rappelais plus comme c'est barbant de vivre avec un chien!  Et je ne me rappelle plus trop bien comment c'est de vivre avec une femme... barbant aussi, sans doute... »



«C'est sûr qu'il n'a jamais vécu avec Monica Vitti, pour dire des trucs de débile comme ça... Quel crétin ce Paul tout de même!» se dit Scopello, l'air agacé soudainement. «Un maître, c'est vraiment n'importe quoi...» garde-t-il pour lui même.

Les cloches sonnent à tout rompre.  Scopello déguerpit plus vite que la lumière, les oreilles battant au vent, les quatre pattes en accéléré, le corps entier tendu, nerveux, en position presque horizontale dans la ligne de course vers le parvis de l' église.  Une bombe.
«J'ai jamais vu un chien aussi catho, moi...»
Cette fois, Paul ne s'y fait pas prendre et marche lentement vers la place centrale où défile une procession.  Le chien saute sur place, debout sur les pattes arrières, devant chaque archevêque en chasuble et mitre blanches.  Le dernier évêque de la file donne des coups de la jambe droite, latéralement, pour cogner le dessus de la tête du chien.  À plusieurs reprises, il recommence son manège.  À chaque nouvelle fois, Scopello s'approche davantage du mollet découvert sous la robe.  Et sous la robe, Paul peut clairement voir, même à vingt mètres de la scène, que l'évêque porte ... la jarretelle.
«Mamamiaaaaa!!!!!»


L'évêque perd sa mitre et découvre la longue chevelure blonde, les yeux paniqués.  Elle relève le bas de sa robe des deux mains et se met à courir, le chien aux trousses, Paul à cinq mètres en arrière.  Les autres évêques et la foule occupée n'ont rien vu.
Paul attrape le bras droit de la blonde en chasuble. Elle se débat comme elle peut.  Paul est plus fort (Ça fait changement, non?). Les regards de Paul et de la femme se croisent.  Elle penche sa tête.  Calmée.  Sa bouche, charnue sous l'ourlet des lèvres, bouge lentement.  Son français roucoule à l'italienne.  Paul la fixe sans entendre un mot, hypnotisé par le regard mordoré. 
«Signorina, comment puis-je vous sortir de ce drôle de pétrin?»
«Amenez-moi à Taormina.  Per favore!  Vite...» lui chuchote t-elle dans l'oreille droite, plaçant sa paume le long de la joue brûlante de Paul.

CINQ

«J'ai aimé un homme autrefois.  Sandro.  Il est parti.   Avec une autre femme.  Puis, il m'est revenu.  Différent.  Changé.  Sandro n'était plus le même.  Mais je n'étais plus la même non plus...» lui dit Claudia, dans le ciel de Taormina, voisine de l'Etna. «Ce n'est peut-être pas l'Amour qui nous change.  C'est peut-être sa quête.  Et sa fuite...».  Scopello hoche de la tête, opinant du bonnet.  Se souvient d'Adelina.  Paul baisse la sienne... (on sait à qui il pense, celui-là.) «Rien ne reste.  Tout passe.  Si éphémère...» dit Claudia, en pleurant tendrement. «J'ai voulu être une autre.  Un homme.  De foi.  Mais je n'ai pas pu l'oublier.  Sandro....»


«Bon, ça suffit Claudia!  Moi, si j'étais Sandro et que je le voyais ton visage, là, précisément, dans le vent chaud de ce printemps, tu peux être certaine que je ne te laisserais plus JAMAIS repartir!  Au diable vos âneries.  Il est où maintenant, ton Sandro?»
« Il est moine dans la congrégation des Dominicains de Taormina!»
«Tu rigoles?  Ahhhhh! ces Siciliens à la fin!» dit Paul, tirant Claudia par la manche, le chien à la queue-leu-leu, escaladant les nombreuses marches menant vers le monastère, la ville clinquante se repentant tout à coup à leur pied.  Dans le soudain silence.


Sandro... Dans la pénombre du parloir, aucun frémissement des muscles de leurs visages.  Aucun mouvement des fibres de leurs jambes et de leurs épaules.  Le tic-tac des secondes résonne dans la chambre close.  Prunelle contre prunelle, Claudia et Sandro se dévisagent.  Mangent leur âme.  Puis les larmes comment à couler, intarissables, le long des joues creusées de Sandro prenant sa belle tête entre ses deux paumes.  Claudia ouvre doucement ses longs bras gracieux.  Sandro s'y engouffre, tassant fermement de sa main droite le frère supérieur.    Paul et le chien se regardent.
Ne disent rien.
Ne respirent plus.
Le coeur des Hommes s'enflamme et se délie.
Le volcan au loin crache ses flammèches dans le ciel très gris.



... À SUIVRE...

La Cicala

Ps:  Et les oreilles de Scopello se dressent soudainement.  Derrière son épaule droite... à nouveau... Adelina... (toujours avec son fils, trop fusionnelle cette Adelina, c'est sûr que le gamin devra se taper une thérapie!)
(pffffffff! les mères monoparentales d'un unique enfant...)










































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