vendredi 31 mai 2013

Comme une assiette de Picasso

Lettre 32

Chère I.

Pour Marika et Kathy O.

« J’ai fait des assiettes, on peut manger dedans. »

Picasso



un

Dans la chambre aux très hauts plafonds du 6, rue de la Mule Noire, Paul se repose l'âme amochée (il faut avoir lu le Blog «Comme une bande-dessinée»).  Il écoute, attentif au silence de la nuit,  le frémissement de sa tisane boutons de rose et fleurs d'oranger, versé de sa très jolie théière japonaise à son gobelet de céramique rouge «Brfchchchhchchchcoucuchhh».
Paul sent son coeur s'apaiser doucement.  Comme seuls l'immobilité des grands rideaux verts, le decrescendo des journées trop pleines et des corps trop tourmentés et la mélodie de l'eau bouillie peuvent l'apaiser. 


Paul en a marre de passer pour un connard.  Et il en a marre d'avoir le coeur brisé.
«The sun rolls slowly down again-The Dark it comes but I can't say when» chante Vanessa Paradis en toile de fond des fêlures des vingt-deux heures trente de Paul.  Parce que même les plus maladroits, parce que même les plus paumés, parce que même les plus cons des hommes ont deux ventricules et quelques oreillettes pour faire battre leur coeur.
Pourquoi personne ne comprend que sous ses fanfaronnades et ses digressions, que sous ses emportements amoureux et ses inconséquences,  Paul est un homme tout simplement blessé?
Personne, vraiment personne ne l'a vu?

«Incroyable!!!!»pense tout de même l'auteure, compatissante.
«Oh, moi tu sais Paul, je te prendrais bien dans mes bras et je te bercerais longtemps, longtemps... Mais je ne peux pas le faire, je ne peux pas te toucher véritablement!  Y 'a tout ce monde tu sais qui nous sépare... Qu'est-ce que je pourrais faire pour toi, alors?» se questionne-t-elle, toute bienveillante devant la souffrance de Paul.
«De vos rêves À mes rêves Il n'y a presque rien Rien qu'un trait de Rose rouge à lèvres Sur votre cou brûlant Brûlant de fièvre...» chantent cette fois Vanessa et Benjamin Biolay, en duo sensible, fendant l'âme solitaire de Paul en mille pièces et autant de frémissements.


«Ah putain! Je me sens foutûment, mais foutûment malheureux et seul,  là...» s'avoue-t-il impuissant.  Ses larmes si longtemps contenues se déversent longuement, sans faire tellement de bruit, le long de ses pommettes, coulant salées partout, dans son nez, sur ses lèvres, dans sa bouche et son cou brûlant, se mélangeant aux boutons de rose et aux fleurs d'oranger de sa tisane sucrée.  Salées-sucrées. Et personne pour tout tendrement, les goûter... 
«Oufffffffffffffffffff...» soupire Paul.
«Ouffffffffffffffffff...» écrit l'auteure.
«Ouffffffffffffffffff...» sanglotent les lecteurs.









deux

«C'est bien de pleurer, Paul, tu sais!  La première chose à faire devant ton sentiment de malheur, c'est bien de ne rien faire justement! Et de tout simplement t'accueuillir toi-même, dans ce que tu ressens véritablement...» lui confirmerait Mireille, la psychologue (voir le Blog «Comme une télé-série»).
«J'ai fait des assiettes, on peut manger dedans...» rigolerait quant à lui Picasso, les mains pleines de terre à cuire et l'oeil juteux, plein de femmes à dessiner.
«Allez vient Paul! Bonne idée.... Je t'amène à Aubagne voir l'expo de Picasso le céramiste!» décide l'auteure, thérapeutique à sa manière.


«Eh! Pique-assiette!!!! T'as bien compris que la solitude, les soirées entre soi-même et soi-même, tout ce tralala monacal, c'était vraiment pas ton truc, quoi! Dora, Olga, Françoise, Jacqueline, tes plus de 4 000 oeuvres comme céramiste, et tout le reste.... Oh! Putain! t'as pas dû pleurer tout seul dans ta chambre très souvent toi.... en plus de tes-je-sais-pas-trop-combien-d'enfants...» marmonne  Paul, jaloux et tout à la fois ébloui par la libido pure et magnificiente de Mister Picasso.



«Et c'est quoi son truc à lui pour être si vivant, si débordant, si créatif et sensuel?» demande-t-il à l'auteure.
«Paul, tu sais que ça ne sert vraiment à rien de te comparer.  Quand comprendras-tu ça à la fin, tête de noix?  Tu n'es pas Picasso, évidemment!  Mais tu es Paul... euh... ça pourrait déjà être pas si mal...» argue-t-elle.


«La véritable leçon de Picasso le céramiste, Paul, c'est de comprendre l'importance de la Terre.  Retourne à tes Racines.  Retourne défricher la Terre de tes Origines... Salis tes petites mains trop propres...  Cent fois retourne sur ton Tour, empoigner cette Terre, la remodeler, la comprendre, l'écouter.... mais toujours, avec l'enthousiasme de celui qui a saisi sa chance d'explorer, de créer, de  découvrir, se tromper surtout, observer, recommencer... »
lui confie, solennelle et un brin sentencieuse, La Femme au Vase Bleu, la main gauche soutenant sa longue chevelure noire.


«Ouiiiiiii! Tu as raison!!!!» comprend Paul,  revigoré.
«Sacré Paul! Il se démerde pas mal du tout!!!  Peut-être n'a-t-il pas autant besoin de moi que je le pensais...» conclut finalement l'auteure, étonnée devant les forces mystérieuses de Paul.
Devant les forces profondes, terriennes et brutes de Paul.
Son ami.



La Cigale

Ps: J'ai toujours rêvé de dresser une magnifique et immense table, au jardin, pour tous mes adorables copains, où tous les couverts ne seraient que des assiettes de Picasso!!!!
















































 


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